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Agoria

Agoria n’est pas un enfant des raves comme les autres. Au début des

années 90, il a connu cet âge d’or où l’histoire s’écrivait à chaque

nouvelle soirée. La musique électronique n’avait encore ni code ni

visage, seulement quelques valeurs qu’elle s’est empressée d’oublier.

Et, s’il a fait parti des pionniers qui ont tout inventé de la techno en

France, c’est pour mieux s’échapper du cadre qu’il a lui-même

contribuer a créé, s’aventurant avec succès dans l’univers du cinéma,

de la mode et de l’art contemporain.

Tout commence à Lyon, à une époque où l’incompréhension et la

répression à l’égard de la techno sont telles que chaque nuit qui ne se

termine pas en garde à vue pour les organisateurs de rave est une

victoire. Aucune soirée ne se ressemble. C’est dans ce contexte, en

décembre 1993, à seulement 17 ans, que Sébastien Devaud qui ne

s’appelle pas encore Agoria, prend pour la première fois les platines

en public, au Space, un club lyonnais aux multiples couloirs. Il joue

avant Richie Hawtin et Carl Cox et... « personne ne danse ». Étudiant

en cinéma, il vient de refuser de travailler sur un tournage de James

Ivory pour pouvoir mixer à cette soirée : « Je me suis demandé un

petit moment si j’avais fait le bon choix ».

C’est au micro d’une radio locale lyonnaise, quatre heures durant tous

les samedis, puis les mardis quand les engagements de Djs vont se

multiplier que sa passion de la musique va grandir et son horizon

s’élargir. « Ces années de radio m’ont formé et nourri, c’est comme ça

que j’ai compris qu’il y avait des bons morceaux dans tous les styles

et qu’il fallait adopter une approche ouverte ». La richesse et la

diversité de la musique qu’il compose et joue aujourd’hui est née

ainsi.

Si Agoria produit des disques dès 1999, « La Onzieme Marche »,

sortie la première fois en 2001 sur Tekmics, label porté par le DJ

français Miloch « qui, dans l’underground, aura autant d’importance

que les Daft Punk » marque une étape. Devenue aujourd’hui un

classique, mixé et remixé par quantité de DJ, ce morceau est le point

de départ de sa rencontre avec le label Pias qui sortira ses deux

premiers albums, « Blossom » en 2003 avec un featuring de Tricky,

puis « The Green Armchair » en 2006 avec les participations de Neneh

Cherry ou de Peter Murphy, leader des légendaires Bauhaus. Avec ces

albums Agoria commence à imposer son univers oblique, de la techno

bien sûr, souvent inspirée par celle des pionniers de Detroit, mais

« twistée » par une drôle de pulsation contemporaine, teintée de pop,

de soul ou de hip-hop.

Cette envie de composer une véritable musique pour aujourd’hui, tout

en se soustrayant aux codes qui souvent l’étouffent, va trouver son

apogée avec l’album « Impermanence » en 2011 et plus encore avec

« Drift », sorti en collaboration avec Mercury/Universal en 2019. Un

disque mis en images par de somptueux clips vidéo, rivalisant avec la

qualité des productions cinématographiques. Plus que tout autre de ses

albums, « Drift » confirme le talent d’Agoria pour la sensualité des

mélodies acoustiques et le raffinement des productions modernistes,

sans jamais totalement renier sa culture électronique. « Aujourd’hui

encore quand tu es né avec la techno, tu es censé te battre pour elle

jusqu'à la mort. Je défendrai toujours la musique de Jeff Mills, mais je

ne veux pas refaire éternellement ce que d’autres ont déjà fait très

bien. Je ne suis ni un ultra ni un gardien du temple. Je veux garder ma

liberté musicale, rester un électron libre. » Une ligne de conduite qu’il

applique également à sa résidence de DJ à Ibiza, baptisée « Drift »

comme son dernier disque.

S’il prouve sa fidélité à la culture électronique en se battant pour que

cette scène soit vivante à Lyon, combat qui permettra la naissance en

2003 des Nuits Sonores dont il est « l’ange gardien » selon l’équipe

du festival, son désir « de tenter sans cesse des aventures nouvelles »,

va l’amener à créer deux des plus avant-gardistes labels de la scène

électronique française. Infiné en 2006 avec Alexandre Cazac et

Yannick Matray, qui découvrira des artistes aussi aventureux que Rone

ou Aufgang, puis le label Sapiens, qu’il dirige seul depuis 2016 avec

la volonté de publier autant de musiques originales que de « talk »,

écrits par des chercheurs, des artistes et des passeurs contemporains.

En 2006, arrive une nouvelle rencontre décisive avec le cinéma.

Estomaqués par la puissance de « Code 1026 », le réalisateur belge

Olivier Van Hoofstadt et son producteur Luc Besson qui ne trouvaient

pas la vibration musicale de leur film « Go Fast », commande à Agoria

une bande originale a cent à l’heure. De cette aventure naîtra un des

disques les plus abrasifs d’Agoria, mais surtout une amitié avec

Olivier Van Hoofstadt qui l’amène aujourd’hui à composer la bande

originale de « Lucky », la nouvelle comédie déjantée du réalisateur de

« Dikkenek ». Entre temps, Agoria a également écrit en 2016 la

musique de deux documentaires de Jan Kounen, « Mère Océan » et

« Vape Wave ». Une collaboration fructueuse puisqu’elle se poursuit

en 2018 sur la série « The Show ».

La boulimie d’expériences qui caractérise Agoria le conduira

également à collaborer avec le monde de la mode et des créateurs,

jouant sa musique pour la marque italienne Fendi à Milan, ville où il a

lui-même résidé plusieurs années, ou collaborant avec le plasticien

Philippe Parreno pour lequel il participe à l’écriture de la bande

sonore de l’installation immersive que l’artiste réalise en 2016 pour le

Turbine Hall de la Tate Modern de Londres.

Mais c’est lors de la dernière édition d’Art Basel Miami Beach, l’une

des plus importantes foires d’art contemporain au monde, où Agoria,

retrouvant son nom Sébastien Devaud, a été invité à présenter pour la

première fois son travail photographique très personnel, qu’un

nouveau chapitre s’est ouvert. Ses pièces, jetant un regard nouveau sur

le principe des affiches lacérées chères à Jacques Villeglé, figure

essentielle du « Nouveau Réalisme » des années 60, ont été saluées

par le célèbre magasine Américains « Interior Design » comme l’un

des points forts de l’édition 2019.

Cela n’empêchera certainement pas Agoria de revenir bientôt avec un

nouvel album « pratiquement terminé ».

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